ESOMA and others have asked Belgium's Constitutional Court to block the Unitary Patent. ESOMA believes that the Unitary Patent, described by the EPO as "Protecting inventions in 25 countries", violates the Belgian Constitution: that it denies Belgians equality before the law, discriminates on basis of language, violates the separation of powers, and is an illegal political maneuver by the European Patent Office.
One of the plaintiffs, Benjamin Henrion, is a fifteen-year campaigner against software patents in Europe. He says: "The Unitary Patent is the third major attempt to legalize software patents in Europe. The EPO-controlled European Patent Court will become the Eastern District of Texas when it comes to software patent disputes in Europe. As happened in America, the concentration of power will force up legal costs, punish small European innovators, and benefit large patent holders."
Another plaintiff, ESOMA founder and chairman Pieter Hintjens, explains, "in 2007 we showed how this plan would raise costs by at least four times[1]. The EPO plans to put a loaded gun to the head of every software business in Europe, squeeze the trigger, and ask politely for money. "Protecting innovation" is a euphemism for a climate of fear, a system of mass extortion called 'mandatory licensing' for the EPO and their friends."
For many firms, licensing their so-called "inventions" is much more lucrative than making real products. By 2013 Microsoft had extracted over $1 billion from Samsung alone[2], for 310 Microsoft "inventions" in the Android operating system made by Google and others.
Hintjens explains, "The sociopathic patent system has attacked US businesses for decades. At least the US Supreme Court can fix the worse offenses. In Europe we will be left defenseless. The Unitary Patent Court is free from all oversight. It is a looming nightmare."
Henrion explains the reason for filing their suit in Belgium: "The Dutch-speaking population of Belgium was long denied the right to legal defense in their own language. Articles 10 and 11 of the Belgian Constitution ban such discrimination. The EPO-controlled court will operate in English, French, and German. While the EPO axis threatens freedom of business across Europe, Belgium is our home, and a good place to make a stand."
[1] http://digital-majority.wikidot.com/forum/t-11099/what-s-the-cost-of-specialised-patent-courts
[2] http://www.zdnet.com/article/samsung-paid-microsoft-1-billion-in-android-patent-licensing-royalties-in-2013/
Here follows the text of the appeal in French. Translations to English and other languages are more than welcome. An english version will be produced when time and money will be available.
The PDF version is here.
COUR CONSTITUTIONNELLE
REQUETE EN ANNULATION
POUR :
1. ESOMA ASBL EUROPEAN SOFTWARE MARKET ASSOCIATION, BCE n° BE 887.044.511, dont le siège social est établi à 1080 Molenbeek, rue des Ateliers, 13-15
2. iMatix sprl, BCE n° BE 0463.066.419, dont le siège social est établi à 1080 Molenbeek, rue des Ateliers, 13-15
3. Monsieur Benjamin HENRION, développeur de logiciels, domicilié rue Rempart des Moines 14 bte 61, 1000 Bruxelles
4. Monsieur Pieter HINTJENS, développeur de logiciels, domicilié rue des Ateliers 13-15, 1080 Molenbeek
Requérants,
CONTRE :
L’ETAT BELGE, représenté par son conseil des ministres.
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Juges constituant la Cour constitutionnelle,
Par la présente requête, les requérants sollicitent l’annulation de la loi du 27 Mai 2014 relative à l'assentiment à l’Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.
Cette loi a été publiée au Moniteur belge le 9 septembre 2014.
I. Exposé des faits
La loi attaquée concerne la ratification par la Belgique de l'Accord sur la Juridiction Unifiée du Brevet. L'objectif de cet accord est la création d'un système supra-national de Cour de Justice spécialisée en Brevets.
L'Union Européenne a décidé de procéder à la création du Brevet Unitaire sous les formes juridiques suivantes:
a. Dans le cadre d'une coopération renforcée, deux règlements créent un brevet européen à effet unitaire, permettant ainsi au brevet européen, après sa délivrance, d'être immédiatemment validé par l'ensemble des 25 Etats participants (à savoir les Etats membres de l'UE sans l'Espagne et l'Italie);
b. Un accord entre les Etats membres institue une juridiction unifiée en matière de brevets exclusivement compétente pour régler les litiges en matière de brevets européens avec effet unitaire.
II. Recevabilité
La loi attaquée a été publiée au Moniteur belge du 9 septembre 2014. Le recours est donc recevable ratione temporis.
L’asbl ESOMA (European Software Market Association) est une association dont l’objet social est « la promotion et la valorisation d'un marché libre de l'informatique en Europe. Elle peut accomplir tous les actes se rapportant directement ou indirectement à son objet, et prêter son concours ou s'intéresser à toute activité similaire. »1
Elle dispose donc d’un intérêt à contester une loi qui est contraire à la notion de marché libre, les brevets sur les logiciels représentants une attaque directe du marché libre en informatique.
Les membres ont dénoncé depuis plusieurs années les pratiques de l'Office Européen des Brevets (OEB) de délivrer des brevets sur des méthodes logicielles, et ce, en conflit évident avec l'article 52.2 de la Convention de Munich règlant la délivrance du Brevet Européen. Ses membres ont été actifs dans les délibérations sur la première tentative de faire changer la loi, à savoir la suppression de l'exception des programmes d'ordinateurs de la liste des éléments non-brevetables dans la Convention de Munich vers les années 1999-2000. La seconde tentative via une directive européenne a échoué en 2005, après plusieurs années de longs débats, directive rejetée sous la demande de grandes entreprises du logiciel, celles-ci préférant la création d'une cour centralisée des brevets au débat sur la brevetabilité du logiciel.
La société iMatix Corporation sprl développe des logiciels depuis 1998. Ses clients sont surtout des grands societes etrangeres. iMatix investit beacoup dans de la recherche fondamentale, dans des domaines de securite informatique et cryptologie, dans la messagerie et les communications, et dans les outils de productivite. En tant que productice de logiciels innovants, elle se voit contrainte d'enlever des fonctionalités logicielles à ses produits à cause de brevets sur des méthodes logicielles. La société est directement concernée par cette réforme, qui va très certainement:
1. augmenter la portée géographique des dommages créés par les brevets logiciels à l'échelle des 25 Etats Membres participants, comme par exemple les injonctions permettant le retrait d'un produit du marché;
2. augmenter la probabilité des hold-ups de brevets par des entreprises dites “patent trolls” comme cela se fait aux Etats-Unis;
3. entériner la pratique déviante de l'OEB de délivrer ces brevets, et ce via la jurisprudence de ces cours spécialisées en brevets;
4. augmenter les coûts des procès en justice, qui sont déjà inabordables pour les très petites entreprises.
De plus, la langue pratiquée dans l'entreprise est le néérlandais, ce qui n'est pas une langue officielle de l'Office Européen des Brevets, ni une langue de choix pour les futurs déposants du Brevet Unitaire.
Monsieur Benjamin Henrionest employé dans une société de développement de logiciels en tant qu'ingénieur systèmes. Il est confronté au jour le jour à des brevets logiciels délivrés par l'OEB dans le cadre de son travail. Il est également président d'une association pan-européenne basée en Allemagne (FFII.org) qui défend depuis plus de 15 ans la liberté de programmer et le marché libre en informatique. Mr Henrion est de nationalité belge et francophone.
Monsieur Pieter Hintjens est écrivain et auteur des nombreux logiciels libres, tels que ZeroMQ, OpenAMQ, et Zyre. Il est l'architecte de plusiques standards de communications, tels que AMQP et ZMTP. De 2005 a 2007, il a été président de la FFII. Il a fondé ESOMA, Digistan, Eupaco (European Patent Conference), et des autres initiatives pour le marché libre en informatique. Il est de nationalité belge, et néérlandophone.
Les parties intervenantes disposent toutes d’un intérêt à contester une loi qui concerne, à la fois, le fonctionnement du marché libre en informatique, l'exercise de leur profession en tant que développeur de logiciels, et le respect de leurs droits et devoirs associés.
III. Moyens
A. Premier Moyen: discrimination des langues
Le moyen concerne les articles de la loi du 27 mai 2014 (article 24 (“Sources du droit”),) faisant référence au règlement de l'Union Européenne n° 1260/2012 (“Règlement (UE) No 1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction”).
Il est pris de la violation des articles 10 (“égalité des Belges devant la loi”), 11 (“jouissance des droits et libertés sans discrimination”) combinés avec :
- l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme (non-discrimination);
- l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (non-discrimination).
La référence au règlement 1260/2012 du Conseil de l'Union Européenne entraîne une discrimination forte pour les citoyens et les entreprises belges qui désirent connaître le droit. Ce règlement introduit en droit belge une notion de titre de brevet ayant un effet légal certain sans être traduit dans les langues nationales (le français, le néérlandais, ou l'allemand). Cette disposition est reprise dans le Considérant 7 et dans l'article 3, qui suppriment le besoin de traduire le texte du brevet:
“Considérant 7 - Sans préjudice des dispositions transitoires, dès lors que le fascicule d'un brevet européen à effet unitaire est publié conformément à l'article 14, paragraphe 6, de la CBE, aucune autre traduction ne devrait être requise.”
“Article 3 - Modalités de traduction pour le brevet européen à effet unitaire
1. Sans préjudice des articles 4 et 6 du présent règlement, dès lors que le fascicule d'un brevet européen qui bénéficie d'un effet unitaire a été publié conformément à l'article 14, paragraphe 6, de la CBE, aucune autre traduction n'est requise.”
A l'heure actuelle, lorsqu'un demandeur de brevet européen veut désigner la Belgique comme territoire où son brevet est valide, il doit fournir une traduction dans l'une des langues nationales, comme le mentione le site web de l'OPRI 2:
“Validation en Belgique
Pour qu’un brevet européen soit protégé en Belgique, vous devez désigner la Belgique dans la demande de brevet et le brevet octroyé doit être validé en Belgique. A cet effet, une traduction dans une des langues nationales, le français, le néerlandais ou l’allemand, doit être fournie.
1. Si un brevet européen est délivré en allemand ou en français, il n’est pas nécessaire de fournir une traduction à l’Office et le brevet est automatiquement validé.
2. Si un brevet européen a été délivré en anglais, sa traduction doit parvenir à l’Office belge de la Propriété intellectuelle dans un délai de trois mois après la date de la publication de la mention de la délivrance du brevet. Cette exigence de fourniture d’une traduction vaut tant lorsque le brevet européen est octroyé que lorsqu’il est modifié ou limité.
Si la traduction n’est pas transmise à l’Office dans le délai prévu, le brevet européen est réputé sans effet en Belgique. Sous certaines conditions, une restauration des droits est cependant possible via une procédure de restauration.”
Il faut noter ici le “une des langues nationales”, ce qui implique que si le demandeur fournit une traduction en français, les entreprises néérlandophones sont susceptibles d'être poursuivies sur base d'un brevet ne disposant d'aucune traduction dans leur langue. La situation est d'autant plus absurde que si le demandeur de brevet dépose une traduction en allemand, troisième langue officielle de notre pays, la majorité des entreprises belges devraient respecter ce brevet en langue allemande, sans disposer de traduction valide afin d'éviter l'infraction. Il existe un débat sur cette question, et certains avocats doutent de la validité d'un tel acte.
Dans le cas 1 mentionné par l'OPRI “si le brevet est délivré en allemand ou en français”, il faut souligner la validation automatique du brevet par l'OPRI. Dans le cas où la langue du brevet est le français, les entreprises et les citoyens ne parlant pas le français (c'est-à-dire les néérlandophones et germanophones) ne disposent toujours pas d'une traduction valide dans leur langue alors que le brevet est reconnu valide sur le territoire belge. Dans le second cas où la langue du brevet est l'allemand, les entreprises et les citoyens ne parlant pas l'allemand (c'est-à-dire une grande majorité des personnes) ne disposent pas d'une traduction dans leur langue alors que ce brevet a un effet sur tout le territoire belge.
Cette situation absurde du dépôt du Brevet Européen sur le territoire belge risque d'être confirmée et empirée par le Brevet Européen à effet unitaire, qui vise à supprimer cette nécessité actuelle de fournir au minimum une traduction dans l'une des langues nationales. Etant donné qu'aujourd'hui, la majorité des demandes de brevets se font en langue anglaise, l'impact du Brevet Unitaire serait la suppression pure et simple des traductions dans toutes les langues nationales (français, néérlandais, allemand).
Le règlement prévoit également le remplacement de ces traductions manuelles par des traductions automatiques, à l'exception près que ces traductions automatiques n'obtiennent pas un effet légalement liant, comme mentioné dans le Considérant n11:
“Ces traductions automatiques ne devraient être fournies qu'à des fins d'information et ne devraient avoir aucun effet juridique.”
ainsi que dans l'Article 6 sur les Mesures transitoires devant durer 12 ans:
“Article 6 Mesures transitoires
1. Durant une période transitoire qui commence à la date d'application du présent règlement, toute demande d'effet unitaire visée à l'article 9 du règlement (UE) no 1257/2012 est accompagnée:
a) d'une traduction en anglais de l'intégralité du fascicule du brevet européen, si la langue de la procédure est le français ou l'allemand; ou
b) d'une traduction de l'intégralité du fascicule du brevet européen dans une autre langue officielle de l'Union, si la langue de la procédure est l'anglais.
2. Conformément à l'article 9 du règlement (UE) no 1257/2012, les États membres participants confient à l'OEB, au sens de l'article 143 de la CBE, la tâche de publier les traductions visées au paragraphe 1 du présent article le plus rapidement possible après la date de dépôt de la demande d'effet unitaire visée à l'article 9 du règlement (UE) no 1257/2012. Le texte de ces traductions n'a pas d'effet juridique et ne peut servir qu'à titre d'information.”
A la lecture de cet article 6, il convient de noter l'absence de mentions des langues autre que les langues officielles de l'OEB (FR/DE/EN). Dans le cas présent, une entreprise néérlandophone ne disposera jamais d'une traduction légalement liante en néérlandais. Pour une entreprise francophone, si la langue du déposant devant l'OEB est l'anglais, les traductions vers le français qui font actuellement force de loi se seraient rendues non-légalement liantes par l'effet informatif prévu disant que “le texte de ces traductions n'a pas d'effet juridique et ne peut servir qu'à titre d'information.”
Si le texte de ces traductions n'a pas d'effet juridique, on peut se demander sur quelle base légale un possesseur de brevet peut attaquer une tierce partie en contrefaçon, si cette tierce partie ne dispose pas du droit qu'elle doit respecter.
Compatibilité avec la Constitution Belge et autres traités internationaux
L'article 10 de la Constitution Belge énonce l'égalité des Belges devant la loi, et l'article 11 permet aux Belges de jouir de ces droits et libertés sans discrimination.
Le droit des brevets étant une compétence fédérale, il est impossible pour l'Etat Belge d'édicter des lois qui seraient discriminatoires selon le régime linguistique des citoyens. Comme mentionné ci-dessus, l'effet du Brevet Unitaire créera des discriminations selon que les entreprises se situent de part et d'autre des barrières linguistiques. Le français étant une langue de l'Office Européeen des Brevets, les entreprises francophones pourraient (dans le cas où la langue de la procédure de dépôt devant l'OEB est le français) obtenir des textes légalement liants, alors que les entreprises néérlandophones se contenteraient de traductions officieuses n'ayant pas effet de loi. Cela pourrait créer une situation discriminatoire où certaines entreprises/citoyens seraient favorisées car elles/ils auraient accès au texte légalement liant dans leur langue maternelle. Dans le cas où la langue de la procédure à l'OEB est l'anglais, aucune entreprise belge ne pourra obtenir de traduction légalement liante dans sa langue maternelle si le déposant du brevet a choisi une autre langue de l'Union Européenne, comme par exemple le Hongrois.
D'une manière plus générale, ces dispositions spéciales de traductions du Brevet Unitaire sont contraires à la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, dont la Belgique est bien entendu signataire en tant que Membre de l'Union Européenne:
“Article 21 Non-discrimination
1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.”
La Convention Européenne des Droits de l'Homme article 14 contient des dispositions similaires, mais qui se limitent aux droits couverts par la Convention:
“Interdiction de discrimination
La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.”
Les droits et libertés couvertes par la CEDH sont également étendues d'une manière plus générale par le Protocole 12 aux différents types de lois, et plus seulement aux droits couverts par la Convention:
“Les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires du présent Protocole,
Prenant en compte le principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi;
Résolus à prendre de nouvelles mesures pour promouvoir l'égalité de tous par la garantie collective d'une interdiction générale de discrimination par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après dénommée «la Convention») ;
Réaffirmant que le principe de non-discrimination n'empêche pas les Etats parties de prendre des mesures afin de promouvoir une égalité pleine et effective, à la condition qu'elles répondent à une justification objective et raisonnable,
Sont convenus de ce qui suit:
Article 1 – Interdiction générale de la discrimination
1 La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
2 Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1.”
Il faut néanmoins mentionner que la Belgique n'a pas encore ratifié ce Protocole 12 au jour d'aujourd'hui. Nous le mentionnons donc ici pour illustration.
Discrimination du néérlandais pour les documents et la procédure d'opposition de l'OEB
Les trois langues officielles de l'Office Européen des Brevets sont le français, l'allemand et l'anglais. En dépit des règles générales de non-discrimination de langues prévues notamment par la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne mentionée ci-dessus, les Etats participants ont choisi une institution administrative ayant un régime de langues discriminant pour régler la délivrance de ces brevets à effet unitaire.
Le choix de l'OEB semble un choix logique, même si aucune autre alternative n'ait été présentée par la Commission Européenne lors des discussions sur ce thème depuis la Consultation publique de 2006.
L'Office Européen des Brevets, par sa politique de langue restrictive, discrimine les citoyens belges néérlandophones, notamment par:
1. la non-publication des documents en néérlandais tout au long de la procédure de délivrance du brevet: la disponibilité des documents en anglais permet aux personnes maîtrisant cette langue de fournir des observations à l'examinateur (par exemple sur l'antériorité). Si les citoyens ne maitrisent pas de langue étrangère, l'accès à l'institution est impossible, et la société en général se voit privée d'observations qui pourraient être positives.
2. la non-accessibilité de la procédure d'opposition en langue néérlandaise: étant donné que les langues officielles de l'OEB sont le français, l'allemand et l'anglais, il est impossible de demander une traduction des documents et d'obtenir une traduction simultanée dans le cas des auditions orales en néérlandais. Mr Henrion, dans le cas d'une procédure d'opposition sur le brevet Amazon “gift patent” EP0927945, a demandé une interprétation vers une langue autre que l'une des trois langues de l'OEB (l'espagnol dans le cas présent), et cette demande fût rejetée par l'OEB, en prétextant que les traductions simultanées pour cette langue n'étaient pas possibles, et que le coût d'une telle traduction simultanée vers la langue demandée devait être à charge de l'association de Mr Henrion, alors que les coûts de traductions vers l'une des trois langues de l'OEB étaient à la charge de l'institution.
3. la non-publication des traductions des brevets en langue néérlandaise pour la Belgique: la situation actuelle mentionée ci-dessus permet aux entreprises déposantes de brevets d'obtenir des brevets couvrant tout le territoire belge sans qu'aucun texte ne soit traduit en langue néérlandaise. Les entreprises néérlandophones sont donc obligées de maîtriser des langues étrangères telles que le français ou l'allemand pour connaître leurs droits et devoirs.
B. Deuxième moyen: des règles de procédure et de modifications futures non validées par le législateur
Il faut noter que la ratification par la Belgique, avec une approbation par le Sénat et la Chambre, s'est faite sans l'analyse et la validation des règles de procédure. Ces règles de procédure font actuellement débat, et sont en cours de préparation, mais les discussions ne se font pas dans le cadre de débats parlementaires. Les discussions sont organisées via un comité administratif ad-hoc institué par l'Article 41:
“2. Le règlement de procédure est adopté par le comité administratif sur la base de larges consultations avec les parties intéressées. L’avis préalable de la Commission européenne sur la compatibilité du règlement de procédure avec le droit de l’Union est demandé.”
Lors de récentes conférences sur le sujet, plusieurs acteurs dont des avocats et des représentants d'entreprises se sont étonnés que les règles de procédure de la Cour ne soient pas adoptées par les Parlements, mais érigée par un comité administratif. De plus, ces règles de procédures sont controversées, car elles règlent des matières sensibles non couvertes par la loi, comme les niveaux d'injonctions, la bifurcation possible des circuits (validité contre infraction) ou le calcul des dommages et intérêts. De plus, plusieurs acteurs ont notés un fort biais de ces règles en faveur des possesseurs de brevets, et un déséquilibre entre les défendant et possesseurs de brevets.
Quant aux membres de ce comité administratif, on retrouve des juges qui écrivent les règles de leur propre future cour des brevets. Même si ils sont compétents en matière d'affaires de brevets, il devrait revenir au législateur de peser le pour et le contre de certains de ces articles qui ont un pouvoir quasi-législatif.
Lors des débats au Parlement Européen, les amendements sur la possibilité de bifurcation ont été émis et rejetés, et cette discussion législative s'est reportée sur la discusson des règles de procédure.
Cet article 41 est contraire au principe de légalité en matière d’organisation judiciaire.
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (…)”.
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l'introduction du terme “établi par la loi” dans l'article 6 de la Convention a pour objet d'éviter que l'organisation du système judiciaire ne soit laissée à la discrétion de l'exécutif et de faire en sorte que cette matière soit régie par une loi du parlement.3
Pour la doctrine, “il ressort de la condition de légalité inscrite dans l’article 6 de la CEDH que ces normes doivent relever pour l’essentiel du pouvoir législatif plutôt que du pouvoir exécutif. Il est par ailleurs indiqué que le principe de légalité en ces matières soit inscrit dans la Constitution et censurable via le contrôle de constitutionnalité des lois”4.
L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne érige aussi en droit fondamental le droit “à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi”. Il en va de même de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civil et politique qui consacre le droit de toute personne à ce que sa cause “soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi”.
La Constitution belge impose le principe de légalité pour l’organisation judiciaire. Selon la Section de législation du Conseil d’Etat, il peut en effet “être déduit des articles 146, 152, alinéa 1er, 154, 155 et 157 de la Constitution que l’organisation des cours et tribunaux doit être réglée par la loi”5.
Ces articles, en exigeant l’intervention du législateur dans différents aspects de l’organisation judiciaire, participent à l’indépendance et à l’impartialité des juridictions judiciaires. Votre Cour considère en effet que “les articles 151, 152, 154 et 155 de la Constitution inscrivent dans la Constitution les caractéristiques principales du statut du pouvoir judiciaire” et que “cette consécration constitutionnelle vise avant tout à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, étant donné que cette indépendance est essentielle dans un régime de séparation des pouvoirs”6. La garantie d’un procès équitable réside donc notamment dans le respect des articles de la Constitution qui consacrent l’indépendance du pouvoir judiciaire et le principe général de la séparation des pouvoirs, à tout le moins en ce que ce dernier protège le pouvoir judiciaire des ingérences injustifiés des pouvoirs législatifs et exécutifs.
Le principe de légalité de l’organisation judiciaire, condition de l’indépendance des magistrats dans l’exercice de leur fonction, fait partie des garanties accordées aux justiciables dans le cadre d’un procès équitable. Votre Cour l’a du reste reconnu implicitement dans son arrêt n° 98/2014 du 30 juin 2014, rendu toutefois au sujet d’une juridiction administrative (points B.14.1 et B.14.2).
Partant, ce principe, de même que l’ensemble des dispositions constitutionnelles et supranationales qui le fondent, doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle direct de constitutionnalité, sur la base de l’article 13 de la Constitution.
Dans la mesure où les diverses dispositions citées au moyen consacrent le droit à un procès équitable devant une juridiction indépendante et impartiale établie par la loi, la violation du principe de légalité de l’organisation judiciaire doit en outre être considérée comme une atteinte à un droit fondamental. Une telle atteinte constitue ipso facto, dans la jurisprudence de Votre Cour, une violation des articles 10 et 11 de la Constitution7.
Votre Cour a récemment considéré, sur le fondement des articles 146 et 161 de la Constitution et de l’article 6 de la CESDH, que les principes essentiels de l’organisation des juridictions administratives devaient être fixés par la loi. En confiant à l’exécutif le soin de fixer le système de rémunération des magistrats d’une juridiction administrative, le Code flamand de l’aménagement du territoire avait dès lors violé “les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les dispositions constitutionnelles précitées et avec le principe général de droit de l’indépendance du juge”8.
De plus, l'accord contient à son Article 86 une disposition permettant à ce comité administratif de devenir législateur en modifiant l'accord pour le rendre compatible avec le droit de l'Union ou un traité international portant sur les brevets:
“1. Sept ans après l’entrée en vigueur du présent accord ou après que la Juridiction aura tranché 2000 litiges en matière de contrefaçon, la date la plus tardive étant retenue, et si nécessaire à intervalles réguliers par la suite, le comité administratif mène auprès des utilisateurs du système de brevets une large consultation portant sur le fonctionnement, l’efficacité et le rapport coût-efficacité de la Juridiction, ainsi que sur la confiance des utilisateurs du système dans la qualité des décisions rendues par la Juridiction. Sur la base de cette consultation et d’un avis de la Juridiction, le comité administratif peut décider de réviser le présent accord en vue d’améliorer le fonctionnement de la Juridiction.
2. Le comité administratif peut modifier le présent accord pour le mettre en conformité avec un traité international portant sur les brevets ou avec le droit de l’Union.”
A nouveau, il convient de remettre cette possibilité d'adapter la loi au législateur, et non pas à un comité administratif. Nous notons ici une claire violation du principe de séparation des pouvoirs, où à un moment donné dans le temps, le pouvoir judiciaire obient le pouvoir du législateur. Nous renvoyons à la même logique évoquée ci-dessus pour réaffirmer le pouvoir du Parlement de modifier cet accord, afin par exemple de le mettre en conformité avec d'autres lois.
C. Troisième moyen: L'OEB est une administration irresponsable devant la Justice
Bien que les brevets unitaires délivrés par l'Office seront bels et bien contestables devant la Juridiction Internationale, il n'en va pas de même des autres actes de l'Office concernant ce même brevet unitaire. Le brevet unitaire est en réalité un brevet européen à effet unitaire, bénéficiant de la même fenêtre d'opposition administrative de 9 mois après sa date de délivrance.
Si pour une raison quelconque l'une des deux parties (le déposant et la partie adverse) n'est pas d'accord sur les méthodes employées par l'Office pour gérer cette opposition administrative, aucune procédure n'est définie dans l'accord pour traîner l'administration de l'Office Européen des Brevets devant une cour de justice.
La même remarque est formulable pour les tentatives de dépôts de brevets qui se font refuser par l'administration, et pour lesquelles les déposants de brevets n'ont pas de procédure définie pour traîner l'administration devant un tribunal indépendant.
Dans le cas du Brevet Belge, il est bien entendu possible de poursuivre l'office belge des brevets pour un refus éventuel de délivrer un brevet d'invention.
D'une manière générale, découle de la Constitution Belge que la Belgique fonctionne sur un “Etat de Droit”, notion qui implique que la puissance publique est soumise au droit, et que les personnes physiques et morales peuvent contester les décisions de la puissance publique devant une cour de justice9:
“L’État de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose, par ailleurs, l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes.
[…]
Les personnes physiques et morales de droit privé peuvent ainsi contester les décisions de la puissance publique en lui opposant les normes qu’elle a elle-même édictées. Dans ce cadre, le rôle des juridictions est primordial et leur indépendance est une nécessité incontournable.”
Or dans le cas présent de l'Office Européen des Brevets, cet état de droit n'existe pas. Ce manquement a été relevé notamment par l'Avocate Générale Juliane Kokott le 2 July 2010 dans l'opinion de la Cour Européenne de Justice 1/09 (paragraphe 71):
“Dans les faits, les décisions de l'OEB concernant les brevets ne peuvent actuellement être revues que par les chambres d'appel à l'intérieur de l'OEB, excluant tout recours devant une cour externe.”
Dans son intervention, Ms Kokott suggéra des solutions pour résoudre ces défauts (paragaphe 73):
“Ces pré-requis peuvent être satisfaits de différentes manières. Une possible extension des compétences de la future Court des Brevets qui incluerait les procédures administratives contre les décisions de l'OEB est une des options qui peut être contemplée.”
Nous notons que dans le texte de loi attaqué aucune disposition n'a été prise pour régler ce problème de respect du droit par l'OEB, et que par conséquent, toutes les décisions de l'Office concernant les Brevets à effet unitaire ne peuvent être traduites devant une cour de justice.
Nous notons également que des plaintes similaires relatives à la violation de l'Etat de Droit par l'OEB émanant de demandeurs de brevets ont été déposées en Allemagne, et sont toujours en attente d'un jugement (AR 2435/13, 2 BvR 421/13, 2 BvR 2480/10).10